Publicité des décisions de justice sur les contentieux civils au Cambodge

Conformément à l’article 4 de l’ancienne loi de 1993 sur l’organisation des tribunaux, lorsque la loi n’est pas explicite ou qu’il y a une lacune de dispositions écrites ne permettant alors pas de trancher un litige dans une affaire civile, les tribunaux compétents peuvent recourir aux coutumes, traditions, à la conscience et l’équité. Aucune disposition constitutionnelle ou légale ne précise que le juge cambodgien peut faire référence à une #jurisprudence – ce qui ne manque pas de rapprocher encore le droit cambodgien du droit français (les rédacteurs du Code civil français sont allés même jusqu’à prohiber les arrêts de règlement). Des efforts de réformes légale et judiciaires ont été entrepris depuis par le gouvernement royal du Cambodge. Le nouveau Code de procédure pénale élaboré avec l’assistance technique de la France, est entré en vigueur en juin 2007, le nouveau Code pénal en 2010 et le nouveau Code civil, quant à lui, en 2011. Enfin, les trois lois fondamentales − relatives à l’organisation judicaire, au statut des juges et des procureurs, et à l’organisation et au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature − ont été promulguées en 2014.

La loi relative à l’organisation judicaire n’abroge pas les dispositions de la loi de 1993 sur l’organisation des tribunaux, tant qu’elles ne lui sont pas contraires (article 91). Encore jusqu’à très récemment, dans la pratique, les décisions de justice des juridictions cambodgiennes ne constituent pas une source de droit, à l’exception de celles des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC, www.eccc.gov.kh). À noter toutefois, les précédents en matière de sentences arbitrales sont bien développés par le Conseil d’arbitrage, un organisme quasi-judiciaire qui a compétence sur les conflits collectifs de travail (www.arbitrationcouncil.org/arbitral-decision/arbitral-award/).

Le 31 décembre 2020, des décisions de justice sur les contentieux civils ont été rendues publiques par le ministère de la Justice. Elles serviront de modèles formels de jugements en matière civile et permettront d’éclairer les juges dans leurs décisions futures. Elles ont été spécialement choisies dans la mesure où leur portée pourra servir de jurisprudence et permettre d’éclairer les juges dans leurs décisions futures. Le ministère de la Justice s’est assuré au préalable que leur publication n’affectait pas la réputation des parties impliquées dans ces affaires.  D’autres décisions, civiles et pénales, vont être publiées à l’avenir. Selon ministère, toutes les décisions de justice doivent être rendues publiques, à moins que cela ne compromette la vie privée des personnes impliquées ou ne concerne des informations confidentielles. L’objectif de ces publications est d’offrir un instrument d’études et d’analyse, aussi bien pour les étudiants que pour les responsables de l’application de la loi au Cambodge. En outre, une telle initiative va permettre une uniformisation formelle des décisions de justice au Cambodge. Le gouvernement cambodgien s’est engagé à continuer de mettre en œuvre des réformes politiques pour améliorer la qualité du système judiciaire et renforcer la confiance du public. Dans ce sens, le ministère de la Justice, impulsé par son nouveau ministre S.E. KOEUT Rith, a lancé durant le premier semestre 2020 une campagne visant à réduire la surpopulation carcérale et l’engorgement des tribunaux cambodgiens en essayant d’augmenter la capacité des tribunaux, d’accélérer les procès et d’accroître le recours à la mise en liberté sous caution et aux peines avec sursis. A noter que le nouveau ministre, membre du Conseil scientifique de l’Association Henri Capitant Cambodge, est un ancien étudiant exemplaire du programme de la coopération franco-cambodgienne à l’Université Royale de Droit et des Sciences Économiques et major de promotion de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Celui-ci a déclaré en mai 2020 que ses objectifs sont de réduire le nombre d’affaires en souffrance devant les tribunaux afin d’accélérer le processus de recherche de justice, et de renforcer la capacité des institutions judiciaires à répondre à de nouvelles affaires. Le manque de capacité à traiter toutes les affaires et les longues périodes d’enquêtes prises par les juges d’instruction ralentissaient le processus judiciaire. Le ministère de la Justice a également annoncé la semaine dernière la mise en place des tribunaux de commerce et du travail d’ici fin 2021.

 

Sources:

 

Article posté le 2 février 2021.